Un jardin dans l'atelier

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Dialogue.

Il y a un jardin dans l’atelier. Je crois qu’il a quelque chose à m’apprendre. J’ai le sentiment qu’il est là depuis longtemps, un récit en latence dans mes installations passées. Il envahit l’espace, il occupe mon temps, de plus en plus de temps.

Nous pensons souvent que le jardin est fait pour flatter la vue, qu’il est ornement avant tout esthétique. (…) Nous tirons le jardin vers le tableau de paysage, nous le pensons peint alors qu’il est surtout planté. En somme, nous le transformons trop facilement en paysage. Or, ce qui prend en compte la plantation, le travail effectué, le projet, c’est la narration, le récit. Les plantations se font dans le temps et réclament, pour être décrites, le temps du récit qui découle ses séquences dans une succession datée, séquences dont l’enchainement tient davantage au fil du récit qu’à une composition visuelle. Cauquelin, 2003, p.37

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La constitution du jardin présente des filiations avec mon approche de la création. Comme si mes gestes étaient liés à un rituel, « une manière d’exister face aux objets » comme l’énonce Anne Cauquelin dans le livre L’invention du paysage (2000, p.13). Ils dessinent un parcours sensible. Ce n’est pas une réaction aux choses du monde, c’est plutôt un travail qui est lié au développement d’une histoire, un récit à la fois poétique, personnel et matériel.

Séquence après séquence, le « je » du narrateur, le « je » de l’auteur, celui qui prend la parole et vous emmène sur la ligne de son récit, est bien le « je » du jardinier, celui qui vous promène de proposition en proposition et qui instaure le récit de promenade comme mode de communication. Cauquelin, 2003, p.38

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Depuis longtemps, je m’intéresse à la représentation et à l’occupation des espaces - des espaces théoriques, des espaces abstraits. Mais en période de confinement, l’espace à soi devient précieux. Comment l’habiter? Et puis, qu’est-ce qu’on en fait de cet espace? Habiter, c’est d’abord prendre le temps de vivre, développer son propre récit.

Le premier jardin est celui de l’homme ayant choisi de cesser l’errance. (Clément, 2012, p.12)

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Actuellement, faire un jardin vivrier semble prendre tout son sens. Dans l’atelier, la planification et la plantation des semences demandent l’organisation d’installations particulières : laboratoire, serre, jardin intérieur. Les plantes ont parfois besoin de chaleur, de froid, de lumière et d’ombre, d’eau, de repiquage, plus de terre (les tiges montent souvent trop vite). L’entretien de tout ce petit monde demande une constante adaptation. Hier, il fallait sauver les semis de laitue, aujourd’hui, c’est les plants de concombre qui manquent de place et cherchent la lumière. Il faut parfois ouvrir la fenêtre, un peu de froid et de vent pour retarder la croissance.

C’est au jardin potager, et seulement en ce lieu, que le jardinier attentif à la plus grande économie de gestion procède au recyclage des déchets et des énergies. Tout y figure en puissance : l’utile et le futile, la production et le jeu, l’économie et l’art. Du jardin potager naissent tous les jardins, il traverse le temps et contient le savoir. Clément, 2012, p.17-18

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Le jardin est un projet. Il demande engagement. Il intervient entre les autres activités familiales, professionnelles. Il donne un rythme. Il est la curiosité des voisins, des amis, de la famille. Sera-t-il productif? Une réussite ou un échec?

Le potager, à lui seul, traduit une politique volontaire et, en dépit de son dessin autoritaire, un esprit de liberté. Installé pour produire, agrémenter et expérimenter, il se destine au partage et à l’amélioration des conditions de vie : mélange de maîtrise, de physiocratie et d’humanisme généreux (…). Clément, 2012, p.25-26

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Et puis dans l’atelier, il a des effets. Ralentissement, prise d’espace. Pour le bien de la plantation, tout est emboité, déplaçable, transférable, en transition. Cet état me plait beaucoup. Un peu de vert, beaucoup de pots de terre sur des plateformes, des roulettes, des étagères.

Comme le site, le jardin est en retrait de l’architecture, bien qu’il en fasse partie. Il est pris dans une logique d’emboitement, dépendant de séparations et de « lots ». Cependant, tout comme le site, il a partie liée avec le lieu, sa profondeur et sa mémoire. Il accueille la dimension du temps, ce qui n’est pas le cas de l’espace géométrique. C’est un espace intérieur à l’extérieur du bâti et, en retour, un extérieur (un lieu) à l’intérieur du construit. Comme le site, il n’est pas paysage (…), car il se donne, non pas comme un ensemble, une totalité, mais comme addition de détails, fragments cousus. Cauquelin, 2003, p.106

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Il faut tout réorganiser en fonction de la pousse et des besoins. Un mouvement continuel qui me retire de l’espace abstrait auquel je me suis habituée. Je contrôle peu de chose. C’est une accumulation de détails qui peut faire une différence.

La fragmentation devient alors un moyen pour atteindre le but : l’unité reconstituée. Nous sommes dans le domaine des opérations de rangement et d’explications; on déplie et découpe pour mieux plier et remettre ensemble. (…) Dans cette version du fragment – et ce sera celui de la poésie-, le fragment devient acte; acte de langage, il donne vie à l’objet; acte de transformation, il métamorphose le banal en sublime, élève le quotidien à la hauteur d’un art total. Cauquelin, 2003, p.111-114

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L’atelier devient un espace de projets fragmentés, d’accumulation d’histoires. Bientôt le jardin sortira dehors. Je pourrai retrouver mon espace pour déployer d’autres expériences, d’autres tentatives. La création restera cependant habitée de ce jardin intérieur.

Références :

  • Cauquelin, Anne. (2000). L’invention du paysage. Paris : Presses Universitaires de France

  • Cauquelin, Anne. (2003). Petit traité du jardin ordinaire. Paris : Éditions Payot et Rivages

  • Clément, Gilles. (2012). Une brève histoire du jardin. Paris : Éditions JC Béhar

L'esthétique des systèmes

Depuis la naissance du projet La machine paysage [1], je m'interroge sur la réalisation d'installations composées de plusieurs systèmes modulaires. Ce processus de création prend du temps, et ce temps nécessaire n’est souvent pas en phase avec le rythme du monde, celui imposé par la société technocratique de la productivité.

Tests de dispositifs.

Tests de dispositifs.

Il faut dire que depuis quelques années, je m’étais consacrée à la réalisation d’installations modulaires composées de systèmes homogènes. Il y avait un système à comprendre afin d’obtenir plusieurs variations potentielles, mais limitées, à l’intérieur d’un modèle formel. Ce nouveau processus demande de comprendre le fonctionnement de plusieurs systèmes, puis leur mise en relation dans l’espace. Je ne peux donc pas fonctionner à partir « d’idées » ou de « concepts » préétablis car l’œuvre doit émerger de ce processus de mise en relation d’éléments sinon elle devient caduque. 

Tests de dispositifs.

Tests de dispositifs.

Son existence repose également sur la relation du sujet (artiste, spectateur ou activateur) dans l’environnement de l’installation.

« Le terme environnement évoque le dynamisme et la complexité des cycles vitaux. Mais, plus profondément, il indique le changement de nature de l'oeuvre d'art, qui se joue à partir de l'élargissement de la focale au-delà de l'objet et du texte. En effet, alors que toutes les formes de textualité, même étendue (de l'intertextualité à l'hypertextualité) restent liée au modèle théorique traditionnel de la relation sujet/objet, où l'objet se positionne face à un sujet, avec l'environnement, la perspective change : le sujet est dans l'environnement. Dans ce sens, l'environnement n'est pas simplement l'espace qui entoure le sujet, mais l'ensemble des conditions physiques et relationnelles dans lesquelles le sujet se trouve, agit, se définit. La caractéristique d'un art environnemental est donc la dimension inclusive. À l'intérieur de l'espace inclusif de l'installation, la présence du sujet est située, elle correspond à une position spécifique à partir de laquelle il perçoit et agit, et autour de laquelle s'étend le cercle (en même temps physique et symbolique) de l'œuvre. » ([2], p.38 )
Systèmes en production.

Systèmes en production.

Outre la matérialité des éléments des différents systèmes, c’est du dispositif qu’émerge l’œuvre.

Le dispositif constitue un ensemble de parts organisées entre elles, de façon à pouvoir exercer une influence sur un champ d’action. Si le principe de l’organisation du système est basé sur le modèle d’une suite de comportements dont le but est l’échange et la communication interne au système, le dispositif oriente l’agencement en fonction d’un résultat, d’un effet, qui va affecter au contraire l’environnement externe (…) Si la notion de système tend à souligner l’organisation et l’interaction entre les éléments dans un ensemble, celle du dispositif insiste sur l’orientation de cet ensemble, sur son objectif, c’est-à-dire sur son effet. ([2]p.39)
Systèmes en production.

Systèmes en production.

Le fonctionnement de l’œuvre repose donc sur une suite de relations éphémères où le « lâcher-prise » est nécessaire tout comme l’acceptation de l’échec potentiel du système.

Tests de dispositifs.

Tests de dispositifs.

L’atelier s’est donc transformé en laboratoire de formes, de textures, de couleurs, de tests de dispositifs, etc. Certaines journées sont très angoissantes car il n’y a pas d’œuvre, pas d’objet fini. Rien qui me conforte, qui me fait dire « j’ai fait ça aujourd’hui! ».  Il faut accepter les gestes qui doutent.

[1] A, Cauquelin, 2015. Les machines dans la tête. PUF

[2] J, Burnham. H. Haacke. 2015. Esthétique des systèmes. Les presses du réel.

Étude de matérialité.

Étude de matérialité.

Étude de matérialité.

Étude de matérialité.

Réflexion sur un commissariat, la genèse d'une exposition

Lors de mon mandat à titre de présidente du conseil d'administration de l'Atelier Graff en 2010, l'idée d'une exposition sur le livre d'artiste avait germé dans mon esprit. Elle faisait partie d'une ébauche de programmation pour le 50e anniversaire de l'organisme. Trois années plus tard, j'ai proposé ma candidature à titre de co-commissaire pour réaliser ce projet avec Geneviève Bédard, historienne de l'art et coordonnatrice des expositions à Vox - centre de l'Image contemporaine. Ce projet était pour moi l'occasion de revisiter la pratique du livre d'artiste à travers une approche plus théorique et par un intérêt marqué pour la mise en espace des oeuvres. C'était également l'occasion de souligner l'importance de l'Atelier Graff pour le milieu de l'art québécois. Il faut préciser que j'ai un attachement particulier pour ce centre d'artistes qui a contribué grandement à mes premières expériences professionnelles et où j'ai rencontré une communauté d'artistes inspirants, une famille, des amis. 

Entrée de la salle Gilles Hocquart, BAnQ, Vieux-Montréal. Jusqu'au 6 mai 2017. Crédit photo : BAnQ

Entrée de la salle Gilles Hocquart, BAnQ, Vieux-Montréal. Jusqu'au 6 mai 2017. Crédit photo : BAnQ

Fondés le 14 février 1966 par Pierre Ayot (1943-1995), les Ateliers libres 848 -- devenus Graff, centre de conception graphique inc. en 1972, puis Atelier Graff en 2011 -- s’inscrivent comme l’un des premiers centres d’artistes autogérés du Canada. Né au cœur de la Révolution tranquille, cet atelier en arts d’impression a permis aux artistes et à d’autres intervenants culturels de se rassembler, de partager des espaces de création et de discussion. Outre l’importance de ce centre d’artistes pour le développement des arts d’impression au Québec, notamment en donnant accès à des équipements spécialisés aux artistes terminant une formation universitaire, l’Atelier Graff a également été une plateforme d’exploration de nouveaux modes de gestion par et pour les artistes. En effet, l’autogestion a permis aux artistes de devenir plus autonomes, de se doter d’un pouvoir démocratique en se donnant une parole polyphonique par le rassemblement des individualités. En quelque sorte, l'anniversaire de l'Atelier Graff, c’est également l’anniversaire de ce mode de gestion participative qui fait la force du milieu artistique québécois et canadien en permettant notamment l’exploration et l’innovation. Ce centre d'artiste a été pour moi un lieu d'apprentissage sur la collaboration, l'autogestion et le vivre ensemble.

De gauche à droite : Conversations sédimentaires (Jocelyne Thibault, 2016), Graff Dinner (collectif, 1978), Corridart 1976 (collectif, 1982), Palimpseste en permutation(...) (Pascaline Knight, 2016). Crédit photo : BAnQ

De gauche à droite : Conversations sédimentaires (Jocelyne Thibault, 2016), Graff Dinner (collectif, 1978), Corridart 1976 (collectif, 1982), Palimpseste en permutation(...) (Pascaline Knight, 2016). Crédit photo : BAnQ

Plusieurs évènements ont eu lieu pour souligner cet anniversaire dont l’exposition Espace imprimé, espace ouvert présentée à la Maison de la culture du Plateau Mont-Royal cet été et l’exposition Atelier Graff : le livre d'artiste repensé actuellement présenté à la BAnQ Vieux-Montréal jusqu'au 6 mai 2017. D’autres évènements importants marquent également ce 50e anniversaire. Tout d’abord, le déménagement de l’organisme qui a quitté en mai dernier le 963 rue Rachel Est. Outre ce changement de lieu, il faut souligner la fin d’une longue cohabitation avec la Galerie Graff. Ces deux organismes ont partagé plus qu’un nom et ils ont collaboré étroitement tout au long des années. Et puis, à la fin octobre, l’Atelier Graff et Le Cabinet, un jeune centre d’artiste dédié à la recherche et à la production photographique, se sont unis pour former un seul organisme. Ensemble, ils fondent L’imprimerie -  centre d’artiste, un espace de production dédié aux pratiques de l’imprimé et du photographique qui ouvrira ses portes dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal en janvier. Étant donné que « l’art commence où il se fait », ce centre d’artiste basera toutes les activités de sa programmation autour de la création en s’adressant aux artistes et aux créateurs de tous milieux et en soutenant les pratiques actuelles professionnelles, hybrides, évolutives, parallèles, indisciplinées, collaboratives, populaires et responsables. Dans la poursuite des valeurs de l’Atelier Graff, L’imprimerie sera un centre d’artiste inclusif, libre et engagé. C’est donc une nouvelle aventure qui commence pour cet organisme. L’exposition Atelier Graff : le livre d’artiste repensé représente donc la fin d’un cycle et le début d’un renouveau.

De gauche à droite : Corridart 1976 (collectif, 1982), Chez Fada : bière, vin, liqueur, repas (Michel Leclerc et Michel Tremblay, 1973), Rapport de consultation sur l'avenir d'Articule (Mathieu Jacques, 2016) et au centre Palimpseste en permutation …

De gauche à droite : Corridart 1976 (collectif, 1982), Chez Fada : bière, vin, liqueur, repas (Michel Leclerc et Michel Tremblay, 1973), Rapport de consultation sur l'avenir d'Articule (Mathieu Jacques, 2016) et au centre Palimpseste en permutation (...) (Pascaline Knight, 2016). Crédit photo : BAnQ

L’exposition Atelier Graff : le livre d'artiste repensé réunit 19 œuvres singulières qui témoignent de l'évolution du livre d'artiste au sein de l’organisme depuis un demi-siècle. Cette exposition s'est développée en deux volets : le premier était consacré à une recherche historique sur les éditions d'artistes ayant été publiées à l'Atelier Graff depuis sa fondation; l'autre consistait à inviter des artistes à repenser la fonction et la matérialité du livre d'artiste lors d'une résidence de création. Ces volets n'ont pas évolué en parallèle, mais plutôt comme un dialogue réseautique entre les oeuvres. Des rapprochements thématiques, formels et matériels se développent au fil de l'exposition. Une communauté d'artistes critiques et engagés se dévoile.

De gauche à droite : La timidité vaincue (Julie Doucet, 2016), Esquisses Graff (collectif, 1986), La forteresse (Guillaume Brisson Darveau, 2016) et au centre Relire (Thomas Corriveau, 2016). Crédit photo : BAnQ

De gauche à droite : La timidité vaincue (Julie Doucet, 2016), Esquisses Graff (collectif, 1986), La forteresse (Guillaume Brisson Darveau, 2016) et au centre Relire (Thomas Corriveau, 2016). Crédit photo : BAnQ

Les années 1960 et 1970 sont d’abord marquées par la production d’albums d’estampes de grands formats qui abordent avec humour des sujets incontournables de l’époque, tels que la légalisation de la pilule contraceptive (Pilulorum, collectif, 1968) ou l'ouverture des tavernes aux femmes (Chez Fada : bière, vins, liqueurs, repas, Michel Leclerc et Michel Tremblay, 1973). S’ajoute l’important projet collectif Graff Dinner (collectif, 1978) qui renouvèle de façon ludique le livre d’artiste en s’inspirant du livre de recettes. Outre l'aspect ludique de ces éditions, c'est l'affirmation de l'identité québécoise et la représentation des préoccupations sociales de l'époque qui transparaissent le plus dans ces productions imprimées. La narration et la poésie occupent également une place de choix dans plusieurs publications de ces années, notamment à travers la collaboration avec différents acteurs du milieu culturel qu'ils soient écrivains, historiens, critiques. Ces oeuvres sont le témoignage d'une époque culturelle à la fin d'une grande noirceur.

De gauche à droite : L'attaché détaché (collectif, 1996), Matrice signalétique pour la réfection de l’échangeur Turcot (Étienne Tremblay Tardif, 2015-2016), Quand le soleil va imploser et nous exploser (Leyla Majeri, 2015), La timidité vaincue (Juli…

De gauche à droite : L'attaché détaché (collectif, 1996), Matrice signalétique pour la réfection de l’échangeur Turcot (Étienne Tremblay Tardif, 2015-2016), Quand le soleil va imploser et nous exploser (Leyla Majeri, 2015), La timidité vaincue (Julie Doucet, 2016), Esquisses Graff (collectif, 1986) et au centre Relire (Thomas Corriveau, 2016). Crédit photo : BAnQ

Depuis les années 1980, plusieurs autres tendances se démarquent dans les productions de l’Atelier Graff, notamment le livre objet, le livre installation et l’intégration de nouveaux médias. Les artistes actuels s’inscrivent dans la continuité de ces approches, tout en les réactualisant. Par exemple, alors que les artistes en résidence Thomas Corriveau et Julie Doucet revisitent la narration avec des expérimentations textuelles et sonores, Pascaline Knight et Jocelyne Thibault abordent la publication d’artiste par une démarche processuelle et documentaire qui rappelle Le réticule tue, (Françoise Lavoie et Clémence Desrochers, 1985). Étienne Tremblay-Tardif et Mathieu Jacques sont davantage animés par une approche sociologique et engagée, notamment présente dans Corridart 1976 – Pour la liberté d’expression  (collectif, 1982). Enfin, Guillaume Brisson-Darveau et Leyla Majeri explorent des formes multidisciplinaires et tridimensionnelles qui habitaient déjà les livres-objets comme Teknologia (collectif, 1989) et On nous épie (Cozic, 2001). Cette période est marquée par l'exploration matérielle, processuelle et conceptuelle ainsi que par l'éclectisme de ses manifestations.

De gauche à droite : Teknologia (collectif, 1989), Le réticule tue (Françoise Lavoie et Clémence DesRochers, 1985). Crédit photo : BAnQ

De gauche à droite : Teknologia (collectif, 1989), Le réticule tue (Françoise Lavoie et Clémence DesRochers, 1985). Crédit photo : BAnQ

Cette exposition m'a permis de constater la richesse et l'évolution des livres d'artistes et d'autres productions imprimées au Québec. À la fois influencée par la tradition du livre de gravure française et par le Small Press américain, la pratique du livre d'artistes est très diversifiée et participe à l'élaboration d'oeuvres conceptuelles, formelles, poétiques, ludiques et engagées. Bien que la fonction et la matérialité du livre d'artiste se transforment au fil des années, notamment avec l'essor du graphzine et de la publication d'artiste, une constante demeure : la volonté des artistes de se rassembler, de collaborer et de partager une expérience tactile, démocratique et inclusive de l'oeuvre d'art. Cette aventure me ramène aussi à ma propre pratique du livre d'artiste et à mon désir d'y revenir très prochainement.

De gauche à droite : Les Îles réunies (Jean McEwen, 1975),  Pilulorum (collectif, 1968), L'attaché détaché (collectif, 1996), Matrice signalétique pour la réfection de l’échangeur Turcot (Étienne Tremblay Tardif, 2015-2016). Crédit photo : BAnQ

De gauche à droite : Les Îles réunies (Jean McEwen, 1975),  Pilulorum (collectif, 1968), L'attaché détaché (collectif, 1996), Matrice signalétique pour la réfection de l’échangeur Turcot (Étienne Tremblay Tardif, 2015-2016). Crédit photo : BAnQ